Analyse de Ouchchak Hafid:
.SawtFesElbadel //Analyse de Ouchchak Hafid
Gouvernance du tourisme :beaucoup d’annonces, aucune logique et peu d’effets pratiques’’
Contrairement à l’abondant travail d’organisation de l’activité touristique fourni au niveau international par divers organismes et institutions spécialisés, les efforts déployés à cet effet par les responsables marocains au niveau internes, ne sont pas toujours couronnés de succès et la mise à jour du modèle de gouvernance comme celle des instances s’avère de plus en plus difficile.
De ce fait, le tourisme au Maroc ne bénéficie pas de l’encadrement et de l’organisation voulu malgré les programmes prioritaires qui ont été expérimentés jusqu’à présent et les « stratégies innovantes » ou « nouvelles visions » qui ont eu cours, durant plus d’une décennie maintenant.
Il y a des imperfections au niveau de la gouvernance du secteur tout entier. Les entités représentatives ne sont pas au point aux échelons régional ou local. Beaucoup d’activités ou de branches d’activité touristique attendent des réformes…
- Instabilité au niveau des ministres : 33 cabinets ministériels en 60 ans
Depuis le premier gouvernement après l’indépendance nommé le 7 décembre 1955 par Feu Mohammed V 33 ministres se sont succédé à la tête du département du Tourisme. C’est un record par rapport à la cadence des changements des autres ministres puisqu’au ministère de Tourisme un ministre change tous les 18 mois sachant que certains responsable n’ont passé que quelques mois à la tête du ministère comme Mohammed Laghzaoui qui a battu le record de la plus courte durée en 1965 avec seulement 3 mois d’exercice. Tout comme Abderrahman El kohen qui a résisté pendant sept mois, Abdellah kadiri pendant huit mois et abdelkamel Raghay qui n’a pas dépassé neuf mois aussi tandis que Driss Benhima avait passé huit mois à la tête d’un ministère où le tourisme été noyé dans des départements comme le transport, la marine marchande, l’énergie et les mines. ’’Un cocktail’’ d’une incroyable incohérence.
Tableau n°35 Ministres du Tourisme dans divers gouvernements depuis l’indépendance
Gouvernement | Ministère | Ministre | Période |
Premier gouvernement | Ministre du Commerce, de l’artisanal du Tourisme et de la Marine Marchande | Ahmed Lyazidi | 7décembre 1955-25 octobre 1956 |
Deuxième gouvernement | Ministre de L’Information et du Tourisme. | Ahmed Reda Gduira | 26 octobre1956 -16avril1958 |
Troisième gouvernement | pas de ministère du tourisme | 12 mai 1958- 3 décembre 1958 | |
Quatrième gouvernement | pas de Ministère du Tourisme | 29 décembre 1958 – 21mai 1960 | |
Cinquième gouvernement | Ministre de l’Information et du Tourisme | Moulay Ahmed Alaoui | 27 mai 1960 – 16 mai 1961 |
Septième gouvernement | Ministre de l’Information, du Tourisme et des beaux-arts. | Moulay Ahmed Alaoui | 2 juin 1961 – 5 janvier 1963
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Huitième gouvernement | Ministre du Tourisme, de l’Artisanat et des beaux-arts | Ahmed Alaoui | 5 janvier 1963 –13 novembre 1963 |
Neuvième gouvernement | Ministre de l’Information, du Tourisme, des beaux-arts et de l’Artisanat.
– secrétaire d’Etat chargé de l’Information, du Tourisme, des beaux-arts et de l’Artisanat
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– Ahmed Alaoui
-Haddou chiguer
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13 novembre 1963 – 8 novembre 1965 |
Dixième gouvernement | Ministre de l’Industrie Moderne, des Mines, du Tourisme et de l’Artisanat
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Mohamed Laghzaoui
son mandat a duré trois mois, et remplacé par Abderrahman El Cohen. |
8 juin 1965 – 11 novembre1967 |
Onzième gouvernement | Ministre du Tourisme
Ministre d’Etat chargé du Tourisme et de l’Artisanat
Ministre du Tourisme
Ministre du Tourisme
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Hassan Ababou, remplacé par
Thami Ouazzani
Ahmed Alaoui
Abdelkrim Lazrak
Abdelhamid Kriem
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6 juillet 1967 – 4 aout 1971
12/08/1968
1969
1970 |
Douzième gouvernement | Sous-secrétaire d’Etat chargé du Tourisme
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Abdelkamel Reghaye | 4 Aout 1971 – 5 Avril 1972 |
Treizième gouvernement | Ministre du Tourisme | AbderrahmanEl cohen | 12 avril 1972 – 20 novembre 1972 |
Quatorzième gouvernement | Ministre du Tourisme
Secrétaire d’Etat au Tourisme
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Hassan Zemmouri
Jalal Essaid
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20 novembre 1972- 10 octobre 1977
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Quinzième gouvernement | Ministre du Tourisme | Mansouri Benali | 10 octobre 1977 – 27 Mars 1979 |
Seizième gouvernement | Ministre du Tourisme
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Abdeslam Znined | 27 mars 1979 – 5 octobre 1981 |
Dix-septième gouvernements | Ministre du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme
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Azzeddine Guessous | 5 novembre 1981 – 30 novembre 1983 |
Dix-huitième kigouvernements | Ministre du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme
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Azzeddine Guessous | 30 novembre 1983 – 11 avril 1985 |
Dix-neuvièmegouvernement | Ministre du Tourisme
Ministre du Tourisme
Ministre du Tourisme |
Moussa Saadi remplacé par
Abdellah Kadiri
Abdelkader Benslimane |
11 Avril 1985 – 31 juillet 1990
le 31 juillet 1990
le 9 avril 1991 |
Vingtième gouvernement | Ministre du Commerce Extérieure, des Investissements Extérieures et du Tourisme. | Hassan Abou Ayoub | 11 Aout 1992 – 9 novembre 1993 |
21ème gouvernement | Ministre du Tourisme | Serge Berdugo
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11 Novembre 1993 – 25 mai 1994 |
22ème gouvernement | Ministre du Tourisme
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Serge Berdugo | 7 juin 1994 – 31 janvier 1995 |
23ème gouvernement | Ministre du Tourisme
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Mohammed Alaoui M’hammedi | 27 février 1995 – 14 février 1998 |
24ème gouvernement
(remaniement du gouvernement Filali (2) |
Ministre du Transport, de la Marine Marchande, du Tourisme, de l’Energie et des Mines. | Driss Benhima | 13 aout 1997
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25ème gouvernement | Ministre du Tourisme
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Hassan Sebbar | 14 mars 1998 |
26ème gouvernement | Ministre de l’Economie, des Finances, de la Privatisation et du Tourisme | Fathallah Oulaalou | 6 septembre 2000 |
27ème gouvernement | Ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie Sociale
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Adil Douiri | 7 novembre 2002 |
28ème gouvernement | Ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie Sociale
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Adil Douiri | 8 juin 2004
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29ème gouvernement | Ministre du Tourisme
Ministre du Tourisme et de l’Artisanat
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Mohammed Boussaid remplacé par
Yassir Znagui
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19 septembre 2007
le 04 janvier 2010 au 6 décembre 2011 |
30ème gouvernement | Ministre du Tourisme
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Lahcen Haddad
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03 janvier 2012 – 12 octobre 2016 |
31ème
gouvernement |
Ministre du Tourisme, du transport aérien, de l’Artisanat et de l’économie sociale
Secrétaire d’Etat auprès du ministre du Tourisme, du transport aérien, de l’Artisanat et de l’économie sociale, chargée du tourisme.
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Mohamed Sajid
Lamia Boutaleb |
Du 05 Avril 2017 à Aujourd’hui |
La plus part des ministres sont des néophytes en la matière qui ignorent tout le tourisme. Un parachutage avec les yeux fermés sur un secteur aussi névralgique où « il faut ouvrir les yeux à tout moment pour pouvoir suivre un plan de vol qui change tout le temps »[1] .
Les ministres passent leurs temps à vouloir se former ou plutôt se mal former tandis que notre tourisme perd du terrain et navigue à vue faute de pilote.
D’ailleurs de tous les temps et jusqu’au jour d’aujourd’hui, rares sont les ministres qui ont été désignés pour des critères de compétences, de diplôme ou d’expériences réussies dans leurs domaines respectives.
A travers nos études et enquêtes effectuées à ce propos un certain nombre d’observation peuvent être exposé comme suit :
- D’abord un trop grand nombre de titulaire de ce poste se sont succédés en très peu de temps, en moyenne 18 mois pour chaque Ministre, ce qui ne lui donne pas l’occasion de bien connaître le secteur du Tourisme, ni ses professionnels de pouvoir tracer une politique touristique à même de développer le secteur du Tourisme.
- Ensuite chaque Ministre, une fois sur place, a tendance à changer complètement les directeurs en fonction à l’ONMT et au Ministre, et à les remplacer par de nouveaux responsables qui n’ont rien à voir avec l’activité touristique et donc ne pouvant apporter aucune plus-values comme c’est le cas du Ministre (du 19-09-2007 au 04-11-2010)115,à l’instar de ses prédécesseurs et ses successeurs, comme conséquence au phénomène du « clientélisme » et de l’appartenance politique.
- Insuffisance parfois flagrante au niveau de compétence et de formation chez ses éléments (directeurs) parachutés ayant occupés des fonctions de directeur au temps du Ministre chargé du tourisme du 14-08-1997 au 14-03-1998, un directeur à été nommé par dahir à la tête de plus importante direction du département du Tourisme (Direction des entreprises et activités Touristique (DAET) et a été dénoncé par la presse comme n’ayant aucun niveau d’instruction à la hauteur du poste occupé.
- Manque de concertation ou difficultés de concertations avec les professionnels du Tourisme ainsi le Ministre du Tourisme (du 19-09-2007 au 04-01-2010) lors d’une réunion avec ses professionnels ne s’est pas empêcher de déclarer qui ‘’il n’est pas le Ministre des hôteliers… !?’’ il serait alors le Ministre de qui et de quoi. Ces derniers sont venus débattre avec lui la question de la crise qui sévissait alors dans le secteur hôtelier.
Ainsi aussi l’attitude du Ministre du Tourisme (04-01-2010 au 06- 12-2011) lors de l’élaboration de la définition et de la présentation de la «vison 2020 » qui consistait à faire ‘’cavalier seul sans y faire participer les professionnels du Tourisme’’[2]116
Ainsi également le manque de considération accordé par ce même Ministre lors d’une rencontre en marge d’ITB (Bourse Internationale du Tourisme de Berlin) en Mars 2010 où il s’agissait de promouvoir la destination Maroc auprès du 1er marché européenne Allemand. Le Ministre devait recevoir en réunion le tour opérateur Allemand ITS troisième sur le marché en compagnie de leur représentant et correspondant marocain l’agent de voyage Guadiri Dahmaz Rachid PDG de MTS alors que le Directeur de l’Office National Marocain du Tourisme (ONMT) s’est opposé à la présence du représentant marocain ce comportement ne fait que discréditer l’agent de voyage marocain aux yeux de ses partenaires avec les professionnels du tourisme. Remarquer qu’ailleurs par exemple en Tunisie le représentant tunisien de ce tour operateur siège au ‘’comité stratégique de tourisme’’ tunisien
- Quelles que soit les raisons, la gestion du secteur impose la transparence par conséquent ces dysfonctionnements conduisent à faire régner au sein du secteur du Tourisme un climat de méfiance et un manque de confiance total entre le département du Tourisme et le monde des professionnels. Il s’en suit un malaise et un mécontentement parmi les fonctionnaires du Ministre du Tourisme et de l’office national marocain de tourisme ONMT qui voient ainsi leur situation évoluer difficilement voire ne pas évoluer de tout.
- Par conséquent , cette inconscience et cette négligence à l’égard des spécifiés du secteur du Tourisme pour ce qui est de la gouvernance propre exigeant une méthodologie comportant l’information, la transparence, la concentration, l’adhésion et la participation d’un grand nombre public et privé aux échelons national, régional et local, sont à proscrire et à éviter dans toute gestion et gouvernance.
- Ainsi beaucoup de travail en ce qui concerne la gouvernance et la réglementation de l’activité reste à faire, ce qui peut paraitre normale en période de changement et de dynamique et de mouvement vers la croissance.
- Dans la pratique, les postes de responsabilité ne sont pas toujours pourvus dans la transparence ni dans les règles de l’art
En somme, les attributions de chaque direction de l’Administration du tourisme, telles qu’elles sont exposées dans ce qui précède et telles qu’elles sont sensé être remplies, dénotent d’un cloisonnement net ou transparent entre les différentes structures du département. En plus, chaque direction mène comme elle peut les projets qui relèvent de son domaine, dans la méconnaissance de ce qui se passe ailleurs et en l’absence d’un système d’information qui intègre toute l’activité du ministère.
Dans la pratique et selon des avis concordants émanant de nombreuses sources consultées sur place, les postes de responsabilité, notamment ceux décrits par les organigrammes, sont rarement pourvus suivant la règle classique qui dit « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut » et les conditions de qualification, de compétence et de mérite ne sont pas toujours prouvées. Quelques- unes des pratiques se sont souvent répétées à travers l’histoire du secteur du tourisme au Maroc :
- Instabilité au niveau du poste ministériel et de son cabinet entrainant parfois des changements d’orientation (une durée moyenne de séjour des titulaires de ce poste de 18 mois a été calculée depuis la date de création du ministère en 1965)
- Nominations des directeurs et autres responsables venant de secteurs et d’horizons ayant peu de rapports avec le secteur du tourisme et par conséquent ne pouvant pas lui apporter une quelconque plus-value
- Insuffisance, parfois flagrante, de niveau de compétence et de formation chez certains éléments ayant occupé des fonctions importantes
- Malaises fréquents parmi les cadres du secteur public du tourisme qui voient ainsi leur situation évoluer difficilement, voire ne pas évoluer du tout
- Inconscience ou négligence à l’égard des spécificités du secteur du tourisme pour ce qui est de la gouvernance propre qui exige une méthodologie comportant l’information, l’adhésion et la participation d’un grand nombre d’institutions et acteurs des secteurs public et privé aux échelons national, régional et local
- Ignorance, paradoxalement, de ce que le « contrat programme de la vision 2001-2010 » prévoyait déjà l’institution du « comité de pilotage », c’est-à-dire une ébauche d’une nouvelle gouvernance pour le secteur touristique sous forme de partenariat public/privé, au niveau national, régional et local, alors que les textes sont venus en 2009 pour instaurer les structures organiques du ministère, telles quelles sont aujourd’hui
- Mise en attente de bon nombres d’actions prévues depuis la mise en œuvres des « contrats programmes 2001-2010 et 2010-2020, notamment en ce qui concerne la législation, la réglementation, les statuts et autres mesures nécessaires pour le bon fonctionnement du secteur. Il en est de même en ce qui concerne les textes et toutes mesures concourant à l’assise juridique et fixant les attributions des organes et divers outils d’intervention dans les branches touristiques…
Par conséquent, beaucoup de travail en ce qui concerne la gouvernance et la réglementation de l’activité touristique reste à faire, ce qui peut paraitre normal en période de changement, de dynamique et de mouvement vers la croissance.
Les gestionnaires du secteur du tourisme au Maroc ne sont pas arrivés à mettre en œuvre un modèle de gouvernance efficace et dynamique capable de donner à chaque branche et à chaque profession de l’activité touristique l’organisation et l’encadrement qui lui conviennent. Au plus haut niveau de la gouvernance, la situation n’est pas meilleure à en juger par le bref effort de traçabilité depuis la création du premier ministère du tourisme en 1965, souligné auparavant.
- Ainsi, depuis cette date, plus de trente trois titulaires de ce niveau se sont succédés à la tête de ce ministère qui a pu de cette manière bénéficier de nombreuses compétences et sensibilités et être en mesure de doter le secteur touristique national du meilleur système d’organisation, de réglementation et de normalisation, lui permettant, en principe, de répondre au mieux aux besoins de la clientèle internationale et aussi nationale. Tel n’a pas été le cas malheureusement.
En conclusion, pour ce qui est de la gouvernance, le secteur du tourisme a constamment souffert de l’instabilité des responsables, des organismes qui se créent à volonté et disparaissent, de l’incompétence des Ministres, des directeurs et autres attributaires et au manque d’expérience et d’expertise souvent de façon flagrante.
[1]114La vie touristique africaine du 01/07/2012
115 Nous avons pris exprès cet exemple en raison du fait que l’intéressé à procéder au changement d’un seul coup de tous les directeurs centraux, alors les autres procédaient à des changements en cas par cas
[2]116 L’hebdomadaire la vie touristique africaine N°877 du 31 Décembre 2010.
Signe : DR Ouchchak Hafid